C’est d’une expérience intime et prolongée de l’impuissance publique que m’est venue cette réflexion. Je ne propose ni une théorie, ni une réforme de l’État. Mon ambition plus modeste est de verser au débat un témoignage et une analyse sur les mutations que nous sommes en train de vivre, avec pour intention de développer notre capacité d’agir pour faire société.
Ce que nous appelons l’État est l’articulation de 3 dimensions, la matrice tutélaire, l’ordre symbolique et l’appareil administratif permettant l’emboîtement des institutions. La crise de l’État correspond à la mutation simultanée mais pour des raisons différentes, de ces 3 dimensions.
L’État tel que nous l’avons hérité de notre histoire, construit sur le modèle d’une domination verticale et tel que nous le concevons, toujours comme clé de voûte de notre organisation institutionnelle, est en délitement. C’est ce qui explique ce sentiment de perte de repères et d’inquiétude. Lui succède déjà, sans que l’on se soit rendu compte du changement, une société ouverte où a disparu le principe de tutelle comme levier du pouvoir. Pour autant, ça ne signifie pas absence d’État. Car, comme le montrait déjà Hobbes dans son Léviathan (1651), les sociétés sans État sont soumises à la tyrannie de la peur.
Je propose d’adopter une attitude prospective développées sur 3 thèmes : la régulation, les biens communs et le lien d’association. Un État tourné vers la capacité d’agir des citoyens et de leurs communautés d’action. À l’emboitement vertical des institutions, on substitue un emboitement horizontal fondé sur l’associativité avec l’engagement pour moteur du lien social.