Dans le contexte d’urgence climatique et d’incertitudes qui est le nôtre, la maintenance émerge au centre de la création de valeur économique et sociale.
Dans les Services aux Environnements de Travail (1,4 millions de travailleurs, pour 102 milliards de CA en 2022), personne ne sait dire encore ce que représentent les multiples emplois de la maintenance. Longtemps méconnus et méprisés, ces métiers sont toujours « silotés » à l’issue d’un demi-siècle d’externalisation, mal valorisés dans les représentations comme dans les contrats….
Ils permettent pourtant d’entre-tenir (faire tenir ensemble) et de faire durer en conditions de bon fonctionnement les investissements productifs consentis dans les années et les décennies précédentes. Ils contribuent à la durabilité, la réparabilité, au refus de l’obsolescence prématurée, au réemploi et à la circularité. Toujours plus importants pour permettre un allongement de la durée d’usage des installations en fonction, ces emplois croissent encore au fur et à mesure des installations nouvelles, y compris pour répondre aux besoins en infrastructures des productions informationnelles. « Immatérielles », ces activités sont également exigeantes en réseaux et systèmes à maintenir, et gourmandes en énergie.
Faiblement substituables, non délocalisables et peu automatisables, les emplois de la maintenance sont moins menacés par l’intelligence artificielle ou des tendances à la réduction des surfaces que bien d’autres emplois réputés plus nobles. Maintenir exige une présence et des interventions humaines, des compétences engagées dans un rapport intime au réel, aux usages et au temps. Maintenir se joue dans un temps long, récurrent, patient et vigilant, bien différent du temps court de la création et de la finance. Il est parfois dans un prolongement (faire durer l’utile), parfois dans une recherche d’éternité de l’irremplaçable (œuvres d’art).
La prospérité ne pourra plus être accessible par la possession, le nouveau et le tout remplacement. Les métiers du « soin aux choses », aux bâtis et au occupants des espaces, constituent désormais un relai de croissance de nos sociétés économiquement avancées. Pour continuer de croître dans un monde fini, il faut apprendre à enrichir les usages et la durabilité de ce qui fait ressource. La maintenance est synonyme d’enrichissements immatériels des patrimoines productifs.
En relai de la « destruction créatrice » des économies industrialistes, la maintenance est un levier de croissance des économies servicielles. Elle sera largement immatérielle, mais bien réelle. Surtout, elle sera soutenable, ou elle ne sera plus. Mieux répartir dans l’avenir les efforts au bénéfice des capacités à assurer le soin des choses (maintenir) comme des gens (rendre service) n’est plus une option.