Penser le ménagement des territoires pour le bien-être et le mieux-vivre ensemble, c’est à la fois prendre en compte toute sa complexité en admettant qu’on a besoin de plein d’outils, ceux issus de l’IA comme ceux produits de notre intelligence collective, et accepter aussi de bifurquer radicalement vers un autre modèle économique qui fait la part belle à la croissance régénérative. Il y a aujourd’hui urgence à repenser notre modèle de développement économique au regard des contraintes que l’on a sur la disponibilité des ressources naturelles de la planète. L’économie symbiotique semble être une piste sérieuse à explorer.
Dans son livre « L’économie symbiotique » publié chez Actes Sud en 2017 sous la direction de Cyril Dion, l’ingénieure agronome et théoricienne Isabelle Delannoy donne sa propre définition : « La symbiose est le mécanisme le plus puissant et le plus subtil du vivant. Elle est cet espace intangible entre deux êtres qui trouvent dans leurs différences leurs complémentarités. Boucle de source et ressource née des synergies, elle est le lien intime qui nourrit, n’appartenant ni à l’un ni à l’autre et à tous en même temps. » L’ouvrage présente une analyse innovante des nouveaux modes de production et d’organisation économique ayant émergé ces cinquante dernières années et montre qu’ils forment une seule et même économie, apparue de façon cohérente et non concertée dans le monde.
Isabelle Delannoy expose une synthèse se servant des écosystèmes et du partage de l’intelligence collective : permaculture, agroforesterie, production durable, circuits courts solidaires, biomimétisme, matériaux biosourcés, ingénierie écologique, interopérabilité, open-data, économie collaborative, monnaies locales complémentaires, … En associant les bénéfices de chacune d’entre elles et en trouvant le principe commun, elle parvient à des résultats époustouflants. Dans de nombreux domaines, nous pourrions réduire de plus de 90 % notre utilisation de matière tout en redéveloppant les capacités productives des territoires. Nous pourrions créer des cités autonomes en eau, en énergie, en nourriture fraîche, mêlant immeubles, forêts et jardins filtrants, cités numériques et jardins d’hiver, autoroutes à vélo et véhicules auto-construits, agriculture régénérative, fablabs et manufactures locales.
L’économie symbiotique s’appuie sur la relation symbiotique entre trois types d’écosystèmes : vivants, techno-sphériques et sociaux. La position de l’écosystème techno-sphérique est centrale. Il est à la fois prédateur des deux autres écosystèmes mais aussi celui qui leur permet d’exprimer leur capacité productive avec davantage de puissance. En trouvant le juste équilibre entre les trois, il est possible de produire sans épuiser les ressources, mais en les régénérant. Ménager nos territoires est avant tout une question d’équilibre, de juste mesure entre besoins utiles et préservation des ressources naturelles, d’égalité d’accès à ces ressources et aux services fournis par la collectivité à tous les citoyens, de stabilité de notre démocratie locale et nationale, et d’harmonie entre les territoires urbains, péri-urbains et ruraux.