Les instrumentations gestionnaires chiffrées ignorent les intentions et finalités de valeur (santé, sécurité, bien-être…) pour se focaliser sur des exigences de conformités. C’est leur rôle, mais ce faisant, ce qu’exigent les services en termes de coopération, de confiance et de relation, sont mal soutenus par les processus d’achat et de contrôle dont nous héritons. Coûteux en transactions improductives, ils renforcent la défiance et réduisent la visibilité des services et du travail réel[1]. La seule voie de « productivité » pensable consiste alors à « réduire » les coûts, entrainant l’ensemble dans une spirale mortifère.
Dans les services aux environnements de travail, les outils à base de Services Level Agreement’s, Key Performance Indicator’s, clauses de progrès et autres contrôles de conformité sur données chiffrées…, réduisent des relations à des prestations dimensionnées en fréquences, durées, délais, effectifs. Les services sont réduits à des commodités, lesquelles sont toujours trop chères. Les accords commerciaux sont mis en œuvre comme des contrats de moyens. Ils sont pourtant le plus souvent libellés en obligations de résultats impossibles à mesurer. Ces services délivrent des prestations à exécution successive, toujours singulières. C’est une caractéristique ignorée par les contrats qui ne connaissent que des standards moyennisés. Ce sont des activités indispensables qui exigent une ingénierie sociale complexe et délicate. Elles sont socialement dévalorisées, réputées sans qualification et à faible valeur ajoutée.
Ce sont des résultats d’un fantasme, celui d’une possibilité de « gouvernance par les nombres (…), le rêve ancien de pouvoir gouverner les hommes comme on gère des choses[2] ». Des indicateurs sont utiles…, quand ils « indiquent » ! Ils sont désastreux dans un usage où on les laisse décider. L’impossible mesure d’un Return On Investment (ROI) des espaces de travail n’indique en rien leur absence de valeur. L’invoquer dit seulement une absence de volonté et de pouvoir. Avec ou sans métrique, les dirigeants doivent diriger. Décider dans l’incertitude fait partie de leur noblesse. Pour justifier des coûts de location ou d’un niveau de services en Operational Expenditures (OPEX), il n’y a pas d’autre possibilité que de partir d’un faisceau d’indices convergents, et d’une volonté. Il n’y aura jamais de ROI chiffré convaincants.
Il est illusoire et vain, d’attendre de chiffres qu’ils jugent de la pertinence de choix et de décisions justement nécessaires pour réduire l’incertitude. Diriger n’est pas manager.
[1] CF. Baron X., Pour un autre management des activités de services, CFDT Cadres n° 498, octobre 2023.
[2] Alain Supiot, L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Seuil 2010, page 76