L’ère de l’industrie a succédé au XIXème siècle à celle de l’agriculture. L’ère des services et de la maintenance est déjà engagée dans ce XXIème siècle. La valeur, le prix que l’on est prêt à payer, se déplace déjà d’un pouvoir d’acquisition à un pouvoir d’utilisation. La valeur est de moins en moins cristallisée dans le support physique, l’objet, l’équipement, le bâti…, elle de plus en plus accessible dans l’usage. C’est déjà le cas des espaces et des lieux de travail dont les occupants sont de moins en moins propriétaires.
La maintenance, discrète et moins noble que la production/construction, est promise à un bel avenir. Elle accède au premier plan de la chaine de valeur comme le montrent par exemple les effets catastrophiques d’un relâchement de l’entretien sur nos infrastructures de santé ou sur l’indisponibilité de 30 réacteurs nucléaires, parce que mal ou trop tardivement entretenus.
Les technologies, la servicialisation et les enjeux écologiques expliquent l’évolution historique des emplois de l’industrie manufacturière ; de 24,5% de la population active employée en 1974 à quelques 11,5% aujourd’hui (2 745 000 salariés en 2020). En comparaison, les services aux environnements de travail représentent à eux seuls 1,4 millions de travailleurs en 2022.
Bien sûr, les productions immatérielles de services seront toujours dépendantes des supports physiques ; infrastructures et énergie, câbles sous-marins et satellites, constructions et bâtis (dont les espaces de travail), les véhicules de transports et de mobilité, les centres serveurs… L’économie des services et de la connaissance consomme donc aussi des ressources et émet du carbone, mais elle peut croître, en valeur et en usages, sans saturer les espaces par les biens tangibles, sans accélérer nécessairement la crise climatique ou l’effondrement systématique de la biodiversité.
Il n’est plus possible de croire au rêve d’une croissance indéfinie en volumes de choses. La croissance des richesses ne pourra plus se faire sans respecter la durabilité, la réparabilité, le réemploi, la circularité…. L’utilisation doit primer sur la possession. En même temps, plus nous sommes équipés et plus nos environnements sont aménagés, plus la création de valeur résidera dans la capacité à faire durer ce qui est déjà en usage, puis à le réemployer et à le recycler. Faire tenir, entre tenir, maintenir, c’est-à-dire, produire et accroître la durée d’utilisation en garantie de performance, là est le levier de valeur de demain que mobilisent déjà la maintenance et les services tournés sur les usages.
Avec l’accumulation de biens et de patrimoines sur plusieurs siècles, c’est moins le neuf que l’existant – environnement naturel inclus – qui devient le levier de la valeur à venir. Et c’est à la maintenance, source de richesse à part entière, qu’il revient de la rendre effective et soutenable.