Il est des révolutions culturelles et économiques dont les effets dépassent, à terme, les révolutions politiques. Conçu au début du XXe siècle pour la manufacture « militaro-industrielle » avec son unité de lieu (l’usine), de temps (la sirène) et d’action (la chaîne), reflet de l’autorité structurante à l’époque – la famille, l’école comme la société -, notre droit du travail manuel et subordonné a été élaboré pour produire un modèle unique : des millions de Ford T noires. Mais il est de moins en moins adapté au monde d’aujourd’hui !
Un siècle après la création d’un droit du travail industriel, la révolution du numérique est une opportunité historique pour penser puis créer le droit du travail immatériel, où le lien de subordination n’est plus ce qu’il était, le travailleur étant auto-entrepreneur pour X et salarié pour Y. Où les termes fordistes « au temps et lieu de travail » du Code du Travail, n’ont guère de sens quand tout cadre est devenu de facto télétravailleur à temps partiel. Où l’opposition vie professionnelle / vie personnelle se dissout lentement dans les smartphones. Où la grève, cessation collective et concertée du travail, conçue pour bloquer une chaîne de production, est, en termes de rapports de forces, dans notre monde de la réputation, moins efficace qu’un habile buzz sur le web 2.0 naturellement viral.
Dans notre société de l’immatériel, l’essentiel n’est plus de venir au travail à heures fixes mais que le travail soit fait. Dit brutalement : le salariat ne sera plus le grand intégrateur qu’il a été, car le travail salarié pour tous, c’est fini ! Les jeunes d’aujourd’hui vivent donc une époque formidable : ils n’auront pas à dupliquer le passé en imaginant que c’est l’avenir, et les plus dynamiques vont participer à la construction de ce nouveau droit !